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Shy, Max Porter

« En 1995, quelque part dans la campagne anglaise, un garçon surnommé Shy mène la bataille la plus éprouvante qui soit, celle de la dernière chance. Violent, décrocheur scolaire, il est envoyé dans une résidence pour mineurs délinquants implantée dans un manoir du XVIIe siècle, classé au patrimoine, et que dirige une équipe de jeunes travailleurs sociaux. L’Ecole de la Dernière Chance, victime des promoteurs, va bientôt fermer.

Shy décide de s’évader au milieu de la nuit, de laisser derrière lui cet endroit peuplé de jeunes diables – tantôt amis d’infortune, tantôt tortionnaires – et de s’enfoncer dans la mare voisine lesté de plusieurs kilos de pierres accrochées au dos. Au bout de la nuit, Shy se retourne alors sur sa courte vie. »

Un récit court, embrouillé, avec une touche de poésie et une grande force des mots. Voilà ce qu’est Shy.

Dans l’esprit d’un jeune homme complexe, en grande détresse et au bord du gouffre, on découvre peu à peu qui il est. Ce qui se cache derrière l’image que les autres peuvent en donner. Ce qu’il ne dit pas. Ce qu’ils ne comprennent pas. À travers la mise en scène, la psychologie du personnage et le récit lui-même, l’auteur réussit à se mettre dans la peau de cet adolescent et à faire ressentir au lecteur toutes les émotions et les sentiments par lesquels il passe au fil des moments de sa vie qui sont racontés entre ses pages.

La mise en scène, parcellaire et donnant une impression d’infini, sans début ni fin, renforce ces émotions ressenties par Shy. On y perçoit tout son mal-être, sa souffrance, sa colère et sa solitude. Et tout ramène à ce sac-à-dos rempli de pierre qu’il traîne une nuit, quand même la dernière chance semble sur le point d’échouer, avec l’intention de disparaître.

Même si le texte est court, il n’est pas si facile à lire. Traitant de sujets difficiles et sombres, il est émouvant, dur, mais il résonne aussi avec une certaine force. Une sorte de poésie crue s’en dégage et installe une atmosphère tour à tour délétère et non dénuée d’espoir. Et ce malgré le fait que le personnage ne voit et retient essentiellement que les mauvais côtés de son existence. C’est un peu une mise à nu dont seul le lecteur voit réellement l’intégralité de ce qu’il en retourne grâce à ce qui lui est révélé dans le secret de ces pages, ainsi que ce que le narrateur se garde de montrer de lui-même.

Un texte qui a retenu mon attention. Malgré ses quelque 140 pages, il m’a fallu quelques semaines avant de toucher le point final. Car il peut parfois être lourd. Mais je ne suis pas déçue de lui avoir donné une chance.

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