Nos Destins sombres, Aiden R. Martin

« Quand on s’appelle Orphée et qu’on se réveille dans les limbes, il est fort à parier qu’on n’aura pas envie d’y rester. Comme mon illustre prédécesseur, je regarde en arrière, non pour m’assurer de la présence de mon aimé, mais pour contempler les regrets que je laisse derrière moi.

Mon petit ami, Isidore, est resté à la Nouvelle-Orléans, dans le monde des vivants, en proie à la dépression et aux tendances suicidaires, chose que je ne peux tolérer. Alors, même si je suis issu d’une famille qui voue un culte à Santa Muerte et que je devrais m’y connaître sur le royaume des morts, je refuse de me soumettre à ses règles, au grand désarroi d’une banshee excentrique du nom de Cassidy, chargée de mon passage dans l’au-delà.

Au lieu de trouver le repos, je suis obsédé par l’idée d’aider mon petit ami, d’autant plus qu’un mystère plane sur mon décès dont les circonstances échappent à mon souvenir.

Ce que je ne sais pas encore, c’est que mon petit caprice va contrarier le dieu de la Mort.

Ou plutôt, les dieux de la Mort… »

Pour un premier roman, l’auteur fait fort en publiant cette petite brique d’environ 400 pages, mais à la police de caractère très réduite. Je l’ai lu jusqu’au bout et j’ai beaucoup aimé donc cela n’a pas entravé ma lecture au point de me faire lâcher l’affaire mais je dois avouer que ce n’était pas toujours évidemment pour moi qui lit principalement le soir avant de me coucher. D’un autre côté, les paragraphes courts et le nombre de dialogues pallient un peu ce problème.

Cependant, hormis cet aspect purement éditorial, je ne lui trouve pas tellement de défauts. Des sujets très difficiles sont abordés : comme le deuil, la mort, les pensées suicidaires. Mais c’est réalisé avec beaucoup de justesse et une pointe d’humour qui n’est pas désagréable dans le contexte. Je n’aurai pas cru me prendre au goût des interventions en notes de bas de page, cependant elles font leur petit effet, et amènent une touche de légèreté. À côté de cela, le style est travaillé et fluide. On alterne le point de vue des deux personnages principaux entre chaque chapitre, ce qui immerge d’autant plus le lecteur qu’il sait ce que ressent l’un par rapport à l’autre et se place presque comme un intermédiaire invisible et muet, qui ne peut que les regarder lorsqu’ils se méprennent, ou au contraire lorsqu’ils sont unis.

Néanmoins, l’intrigue sait tout à fait le surprendre par d’autres moyens – personnellement, je ne l’avais pas vu venir – avec ses révélations et rebondissements dans la dernière partie du roman. Si par moments, j’ai pu me demander, mais finalement pourquoi tout ça ? Où va-t-on exactement ?, ces réponses ont particulièrement su raviver l’intrigue et clore tout cela à merveille. Car finalement, pendant un bon moment, plus que sur les circonstances inconnues de sa propre mort qu’il a oubliée, on reste sur le fait qu’Orphée ne veut pas laisser Isidore seul, bien qu’il soit pourchassé par la Mort. Vu ainsi, cela semblait pouvoir partir sur un cycle sans fin, et je trouve que la résolution apportée par ces révélations résout très bien le récit.

Avec cela, l’auteur exploite très bien les mythologies de nombreux horizons et met en scène des personnages touchants, aux problématiques très humaines, dans une intrigue palpitante et surprenante.

C’est une belle aventure allant vers la résilience, tout en faisant face aux étapes les plus difficiles, donnant un regard aussi cruel que doux de la mort, mais aussi de l’amour, et offrant, par ailleurs, un message d’espoir, avec une vue sur le bout du tunnel. Ce n’est pas plus mal de prendre son temps pour lire petit à petit ce livre, le laisser s’imprégner avec son amertume et sa douceur, et s’émouvoir devant le parcours d’Orphée, Isidore et leur famille.

#PLIB2023 #PLIB2023JYA #ISBN9782375682043

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