Chroniques, Chroniques par genre, Fantastique, Littérature américaine

La Maison des feuilles, Mark Z. Danielewski

         J’ai d’abord rencontré ce titre dans la préface de l’édition des Grands animaux chez Monsieur Toussaint Louverture de La Maison dans laquelle. Oui, encore. Alors quand j’ai appris que ce même éditeur allait rééditer ce livre, il fallait que j’en profite pour le découvrir.

     La Maison des feuilles, c’est un monstre qui en renferme d’autres. C’est un théâtre dans le théâtre qui semble ne jamais finir. Tout part d’un film. Un film racontant l’histoire d’un homme et de sa famille qui s’installent dans une nouvelle maison dans l’intention de se mettre au vert. Navidson, le père, décide de placer des caméras de manière à tout filmer dans la maison. Mais quand il commence à se produire d’étranges événements entre ces murs, tout va basculer.

         Ce film nous est raconté à travers le travail de Zampano, une satire universitaire qui rassemble analyse et théories autour du Navidson record. Mais Zampano est décédé. Son texte nous est délivré par John Errand, un homme à la vie tumultueuse qu’il se complaît à raconter dans ses notes de bas de pages qui se transforment en digressions interminables.

       Et encore, il y a encore d’autres niveaux qui font surface par moment…

      J’ai eu du mal au début. J’avançais lentement. Alors que je n’avais lu qu’une trentaine de pages, j’ai fait une longue pause dans ma lecture. Puis j’y suis retourné. C’est resté difficile pendant encore plusieurs chapitres. Errand m’insupportait à interrompre ma lecture avec ses notes qui débordaient sur deux voire trois pages entières souvent. Je cherchais à m’accrocher à l’histoire de Navidson et de la maison. Or les ronces qui l’enrobaient étaient pour le moins perturbantes.

      Quand sont apparues les autres étrangetés hormis les notes d’Errand, j’ai commencé à me prendre au mystère, surtout quand la maison a sérieusement commencé à changer pour les Navidson. Elle et ses habitants ont commencé à prendre plus d’espace et plus de chair. Je me prenais au jeu de déchiffrer les mises en pages, les différents moyens de communication, le fonctionnement en miroir entre les mots, les pages, les sons, les scènes, les personnages. Tout est réfléchi pour se faire écho dans l’immensité de La Maison des feuilles. Je lisais distraitement les racontages de vie d’Errand et me concentrait sur Zampano rapportant les images du film, séquences après séquences.

    C’était sans doute dû à mon approche liée à La Maison dans laquelle. Les deux maisons se ressemblent par des aspects qui les rendent fascinantes : la distorsion du temps et de l’espace en particulier (qui, en plus, pour La Maison des feuilles, se reflète dans la mise en page pensée au millimètre), leur influence divergente sur leurs habitants, ce qu’elles renferment, des scènes à vous donner le vertige, presque intangibles, mais vous laissant les admirer avec fascination.

    Finalement, tout s’emmêle, s’enchaîne et accélère. Il suffit de se laisser porter. Accepter de lâcher prise. C’est comme ça que j’ai dévoré en une soirée les dernières centaines de pages. Des pages qui remettent tout en question. Le narrateur, les faits, le livre lui-même. Tout semble se déconstruire et se perdre à nouveau.

     Et quand la fin arrive, les dernières pages se tournent, comme un générique qui défile en nous laissant seuls avec toutes ses questions qui subsistent. Qu’est-ce qui est vrai ? Où commence le récit ? De qui est-il ? En fin de compte, le seul auteur, c’est celui dont le nom apparaît sur la page de titre. Ce qui est sûr, c’est qu’il a voulu nous perdre, se dissimuler derrière cette histoire. Qu’on l’oublie dans l’opacité et l’obscurité.

       Ce fut une expérience intéressante. Ce livre, son atmosphère, résonne encore en moi presque viscéralement. Pour autant, à l’heure actuelle, je préfère le garder derrière moi, même si le relire fait assurément partie de mes projets. Peut-être dans quelques mois. Garder mes souvenirs assez frais, tout en ayant laissé le temps de digérer.

      J’en garde des émotions sur lesquelles j’ai du mal à placer des mots. Je ne suis pas certaine d’avoir vraiment aimé ce livre. Il m’a donné mal à la tête plusieurs fois. Mais il s’est créé un attachement involontaire. Quand j’y repense, je revois des scènes bouleversantes qui m’ont émue et que je ressasse comme si elles pouvaient trouver une fin différente, comme les couloirs labyrinthiques se remodulant à l’infini dans les entrailles de la Maison.

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