Chroniques, Chroniques par genre, Fantastique, Littérature française

Miranda, Nina Gorlier

Informations :

                Editeur : Editions du Chat Noir

                Date de publication : Mai 2022

                Nombre de pages : 120 pages

                Quatrième de couverture : « Sur un terrain désolé, comme à l’écart du monde, s’érige une maison. Une vieille bâtisse inquiétante. Pour la seule occupante des lieux, Miranda, cette demeure représente tout ce qu’elle a toujours connu. Fantasque et romanesque, rêveuse et réservée, l’adolescente tue le temps et sa solitude.

Jusqu’au jour où d’autres arrivants prennent possession de la maison… Cette famille laisse la jeune fille dans un désintérêt relatif – à l’exception d’Allen, le fils du couple Stanford. Malgré l’indifférence du nouveau venu, Miranda sent éclore en elle des sentiments inconnus, aussi volcaniques qu’obsédants.

Mais entre Allen et elle s’érigent le poids du passé, la méfiance d’une rivale et la présence d’un monstre qui rôde sans cesse autour d’elle. Peu importe : pour écrire l’histoire dont elle rêve et tromper sa solitude, Miranda est prête à tout…»

                Quatrième novella de la jeune collection F. Nigripes aux Editions du Chat Noir, et la troisième que je lis après Quand vient le dégel et Lullaby, dont j’avais parlé suite à leur sortie, Miranda s’inscrit très bien dans cette lignée de récits courts entre la nouvelle et le roman, et le ton gothique de la maison. Franchement, je suis fan de ce format, j’adore les novellas gothiques. Une longueur que je trouve particulièrement bien adaptée pour le genre, même si ça paraît trancher avec les grands textes gothiques qui sont souvent déclinés en saga ou du moins se révèlent être d’assez beaux pavés. Mais le côté court-long de la novella donne l’impression de jeter un regard dans l’histoire, d’en voir suffisamment pour apprécier le contenu, tout en captant par sous-entendus, allusions et métaphores ce qui se faufile dans l’ombre des lignes. C’est un peu comme une fenêtre laissée entrouverte le temps d’une soirée nuageuse. Et si vous ne savez pas quoi lire un soir d’Halloween ou même d’été à la belle étoile, penchez-vous sur cette collection et vous ne serez pas déçu du voyage.

                Miranda, c’est une histoire de fantôme et de vieille maison. Ça peut paraître réducteur comme ça mais c’est au contraire ce qui fait son charme, par la manière dont cela est mis en œuvre. Miranda est une adolescente qui vit dans la demeure familiale, seule depuis le départ de sa mère. Elle attend son retour, ne sait plus depuis combien de temps. Elle assiste à l’arrivée de nouveaux arrivants, qui viennent et repartent, qu’elle tente de chasser de chez elle. Eux le constatent, ils se passent des choses étranges avec cette maison au milieu de nulle part. Et un jour c’est la famille d’Allen qui s’installe. Allen, pour qui le cœur de Miranda semble battre plus fort. Mais il ne la voit pas. Alors, elle va tout faire pour que ce soit le cas, sans laisser personne le détourner d’elle. Mais avec cette obsession, les souvenirs apparaissent eux aussi, et le Monstre.

                En découvrant Miranda dans ce texte, on découvre aussi ce qu’elle cache, aux autres et surtout à elle-même. Des souvenirs enfouis, refoulés et mutés loin dans son esprit, et qu’elle s’efforce de garder là pour ne pas avoir à leur faire face. Et avec Allen, elle croit avoir enfin trouver celui qu’elle attendait, celui qui la verrait, l’aimerait et règlerait tous ses problèmes. Mais elle est tellement détachée de la réalité qu’encore une fois, elle s’aveugle elle-même, encore et encore.

                Ce que j’ai beaucoup aimé, et ce n’est pas la première fois avec les personnages de Nina Gorlier (avec Kirsten dans Le Reflet brisé aux éditions Magic Mirror, c’est un trait que l’on peut retrouver, un peu différemment), c’est que, bien qu’elle soit évidemment dotée d’une morale douteuse, on ressent une profonde sympathie pour Miranda. Personnage central, on suit l’histoire de son point de vue. C’est son histoire, ce qu’elle nous en montre, et ce qu’on en voit, au présent et au passé. De la jeune fille timide au fantôme plein d’une amertume refoulée. Elle est prête à tout, même au pire, pour garder Allen juste pour elle. Elle se montre jalouse au point d’en devenir dangereuse, et pourtant ce qui la pousse à agir ainsi, ses doutes, sa tristesse, sa détresse et sa solitude, la rend particulièrement humaine et faillible, si bien qu’il est aisé de s’attacher à elle malgré tout. Et en cela, la position du lecteur se rapproche de celle d’Allen ou Daisy, qui sont confrontés à elle, quasiment impuissants mais finalement compatissants. Ils passent chacun par différentes phases dans leur rapport à elle jusqu’à la fin et inversement.

                Tout ce qui est construit en si peu de pages autour du déni et de la solitude, c’est puissant et, comme souvent chez ce genre de texte au Chat Noir, amené avec une sorte de délicatesse douce-amère qui ne laisse pas indifférent et qui convient tellement bien à ce type d’atmosphère. Il y a beaucoup de choses dans ce récit, mais ses 120 pages ne m’ont pas laissé sur ma faim. Ce n’est pas trop peu ou pas assez, le juste équilibre entre le dit, le sous-entendu et le non-dit est bien là et il est particulièrement appréciable.

                Avec cette novella, Nina Gorlier revoit très justement et avec beaucoup d’originalité le topos de la maison hantée.


Les mots de l’autrice : Nina Gorlier

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